Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gement, la forme atténuée des premiers. Ainsi, le vol et la simple indélicatesse ne froissent qu’un seul et même sentiment altruiste, le respect de la propriété d’autrui. Seulement, ce même sentiment est offensé plus faiblement par l’un de ces actes que par l’autre ; et comme, d’autre part, il n’a pas dans la moyenne des consciences une intensité suffisante pour ressentir vivement la plus légère de ces deux offenses, celle-ci est l’objet d’une plus grande tolérance. Voilà pourquoi on blâme simplement l’indélicat tandis que le voleur est puni. Mais si ce même sentiment devient plus fort, au point de faire taire dans toutes les consciences le penchant qui incline l’homme au vol, il deviendra plus sensible aux lésions qui, jusqu’alors, ne le touchaient que légèrement ; il réagira donc contre elles avec plus de vivacité ; elles seront l’objet d’une réprobation plus énergique qui fera passer certaines d’entre elles, de simples fautes morales qu’elles étaient, à l’état de crimes. Par exemple, les contrats indélicats ou indélicatement exécutés, qui n’entraînent qu’un blâme public ou des réparations civiles, deviendront des délits. Imaginez une société de saints, un cloître exemplaire et parfait. Les crimes proprement dits y seront inconnus ; mais les fautes qui paraissent vénielles au vulgaire y soulèveront le même scandale que fait le délit ordinaire auprès des consciences ordinaires. Si donc cette société se trouve armée du pouvoir de juger et de punir, elle qualifiera ces actes de criminels et les traitera comme tels. C’est pour la même raison que le parfait honnête homme juge ses moindres défaillances morales avec une sévérité que la foule réserve aux actes vraiment délictueux. Autrefois, les violences