Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/112

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contre les personnes étaient plus fréquentes qu’aujourd’hui parce que le respect pour la dignité individuelle était plus faible. Comme il s’est accru, ces crimes sont devenus plus rares ; mais aussi, bien des actes qui lésaient ce sentiment sont entrés dans le droit pénal dont ils ne relevaient primitivement pas[1].

On se demandera peut-être, pour épuiser toutes les hypothèses logiquement possibles, pourquoi cette unanimité ne s’étendrait pas à tous les sentiments collectifs sans exception ; pourquoi même les plus faibles ne prendraient pas assez d’énergie pour prévenir toute dissidence. La conscience morale de la société se retrouverait tout entière chez tous les individus et avec une vitalité suffisante pour empêcher tout acte qui l’offense, les fautes purement morales aussi bien que les crimes. Mais une uniformité aussi universelle et aussi absolue est radicalement impossible ; car le milieu physique immédiat dans lequel chacun de nous est placé, les antécédents héréditaires, les influences sociales dont nous dépendons varient d’un individu à l’autre et, par suite, diversifient les consciences. Il n’est pas possible que tout le monde se ressemble à ce point, par cela seul que chacun a son organisme propre et que ces organismes occupent des portions différentes de l’espace. C’est pourquoi, même chez les peuples inférieurs, ou l’originalité individuelle est très peu développée, elle n’est cependant pas nulle. Ainsi donc, puisqu’il ne peut pas y avoir de société où les individus ne divergent plus ou moins du type collectif, il est inévitable

  1. Calomnies, injures, diffamation, dol, etc.