Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on ne se refuse pas à faire une place aux besoins humains dans les explications sociologiques. Car ils ne peuvent avoir d’influence sur l’évolution sociale qu’à condition d’évoluer eux-mêmes, et les changements par lesquels ils passent ne peuvent être expliqués que par des causes qui n’ont rien de final.

Mais ce qui est plus convaincant encore que les considérations qui précèdent, c’est la pratique même des faits sociaux. Là où règne le finalisme, règne aussi une plus ou moins large contingence ; car il n’est pas de fins, et moins encore de moyens, qui s’imposent nécessairement à tous les hommes, même quand on les suppose placés dans les mêmes circonstances. Étant donné un même milieu, chaque individu, suivant son humeur, s’y adapte à sa manière qu’il préfère à toute autre. L’un cherchera à le changer pour le mettre en harmonie avec ses besoins ; l’autre aimera mieux se changer soi-même et modérer ses désirs, et, pour arriver à un même but, que de voies différentes peuvent être et sont effectivement suivies ! Si donc il était vrai que le développement historique se fit en vue de fins clairement ou obscurément senties, les faits sociaux devraient présenter la plus infinie diversité et toute comparaison presque devrait se trouver impossible. Or c’est le contraire qui est la vérité. Sans doute, les événements extérieurs dont la trame constitue la partie superficielle de la vie sociale varient d’un peuple à l’autre. Mais c’est ainsi que chaque individu a son histoire, quoique les bases de l’organisation physique et morale soient les mêmes chez tous. En fait, quand on est entré quelque peu en