Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/144

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tion sont, d’ailleurs, trop subjectives pour pouvoir être traitées scientifiquement.

Non seulement ces deux ordres de problèmes doivent être disjoints, mais il convient, en général, de traiter le premier avant le second. Cet ordre, en effet, correspond à celui des faits. Il est naturel de chercher la cause d’un phénomène avant d’essayer d’en déterminer les effets. Cette méthode est d’autant plus logique que la première question, une fois résolue, aidera souvent à résoudre la seconde. En effet, le lien de solidarité qui unit la cause à l’effet a un caractère de réciprocité qui n’a pas été assez reconnu. Sans doute, l’effet ne peut pas exister sans sa cause, mais celle-ci, à son tour, a besoin de son effet. C’est d’elle qu’il tire son énergie, mais aussi il la lui restitue à l’occasion et, par conséquent, ne peut pas disparaître sans qu’elle s’en ressente[1]. Par exemple, la réaction sociale qui constitue la peine est due à l’intensité des sentiments collectifs que le crime offense ; mais, d’un autre côté, elle a pour fonction utile d’entretenir ces sentiments au même degré d’intensité, car ils ne tarderaient pas à s’énerver si les offenses qu’ils subissent n’étaient pas châtiées[2]. De même, à mesure que le milieu social devient plus complexe et plus mobile, les traditions, les croyances toutes faites s’ébranlent, prennent quelque chose de

  1. Nous ne voudrions pas soulever ici des questions de philosophie générale qui ne seraient pas à leur place. Remarquons pourtant que, mieux étudiée, cette réciprocité de la cause et de l’effet pourrait fournir un moyen de réconcilier le mécanisme scientifique avec le finalisme qu’impliquent l’existence et surtout la persistance de la vie.
  2. Division du travail social, l. II, ch. II, notamment p. 105 et suiv.