Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/193

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quelqu’un de ces courants sociaux qui sont répandus dans toute la société, tout en variant d’un point à l’autre. Quand, au contraire, il s’agit d’une institution, d’une règle juridique ou morale, d’une coutume organisée, qui est la même et fonctionne de la même manière sur toute l’étendue du pays et qui ne change que dans le temps, on ne peut se renfermer dans l’étude d’un seul peuple ; car, alors, on n’aurait pour matière de la preuve qu’un seul couple de courbes parallèles, à savoir celles qui expriment la marche historique du phénomène considéré et de la cause conjecturée, mais dans cette seule et unique société. Sans doute, même ce seul parallélisme, s’il est constant, est déjà un fait considérable, mais il ne saurait, à lui seul, constituer une démonstration.

En faisant entrer en ligne de compte plusieurs peuples de même espèce, on dispose déjà d’un champ de comparaison plus étendu. D’abord, on peut confronter l’histoire de l’un par celle des autres et voir si, chez chacun d’eux pris à part, le même phénomène évolue dans le temps en fonction des mêmes conditions. Puis on peut établir des comparaisons entre ces divers développements. Par exemple, on déterminera la forme que le fait étudié prend chez ces différentes sociétés au moment où il parvient à son apogée. Comme, tout en appartenant au même type, elles sont pourtant des individualités distinctes, cette forme n’est pas partout la même ; elle est plus ou moins accusée, suivant les cas. On aura ainsi une nouvelle série de variations qu’on rapprochera de celles que présente, au même moment et dans chacun de ces pays, la condition présumée. Ainsi, après avoir suivi l’évolution de la famille patriarcale à