Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/194

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travers l’histoire de Rome, d’Athènes, de Sparte, on classera ces mêmes cités suivant le degré maximum de développement qu’atteint chez chacune d’elles ce type familial et on verra ensuite si, par rapport à l’état du milieu social dont il paraît dépendre d’après la première expérience, elles se classent encore de la même manière.

Mais cette méthode elle-même ne peut guère se suffire. Elle ne s’applique, en effet, qu’aux phénomènes qui ont pris naissance pendant la vie des peuples comparés. Or, une société ne crée pas de toutes pièces son organisation ; elle la reçoit, en partie, toute faite de celles qui l’ont précédée. Ce qui lui est ainsi transmis n’est, au cours de son histoire, le produit d’aucun développement, par conséquent ne peut être expliqué si l’on ne sort pas des limites de l’espèce dont elle fait partie. Seules, les additions qui se surajoutent à ce fond primitif et le transforment peuvent être traitées de cette manière. Mais, plus on s’élève dans l’échelle sociale, plus les caractères acquis par chaque peuple sont peu de chose à côté des caractères transmis. C’est, d’ailleurs, la condition de tout progrès. Ainsi, les éléments nouveaux que nous avons introduits dans le droit domestique, le droit de propriété, la morale, depuis le commencement de notre histoire, sont relativement peu nombreux et peu importants, comparés à ceux que le passé nous a légués. Les nouveautés qui se produisent ainsi ne sauraient donc se comprendre si l’on n’a pas étudié d’abord ces phénomènes plus fondamentaux qui en sont les racines et ils ne peuvent être étudiés qu’a l’aide de comparaisons beaucoup plus étendues. Pour pouvoir expliquer l’état actuel