Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/202

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face des faits eux-mêmes ; comment il devait les atteindre par leurs caractères les plus objectifs ; comment il devait leur demander à eux-mêmes le moyen de les classer en sains et en morbides ; comment, enfin, il devait s’inspirer du même principe dans les explications qu’il tentait comme dans la manière dont il prouvait ces explications. Car une fois qu’on a le sentiment qu’on se trouve en présence de choses, on ne songe même plus à les expliquer par des calculs utilitaires ni par des raisonnements d’aucune sorte. On comprend trop bien l’écart qu’il y a entre de telles causes et de tels effets. Une chose est une force qui ne peut être engendrée que par une autre force. On cherche donc, pour rendre compte des faits sociaux, des énergies capables de les produire. Non seulement les explications sont autres, mais elles sont autrement démontrées, ou plutôt c’est alors seulement qu’on éprouve le besoin de les démontrer. Si les phénomènes sociologiques ne sont que des systèmes d’idées objectivées, les expliquer, c’est les repenser dans leur ordre logique et cette explication est à elle-même sa propre preuve ; tout au plus peut-il y avoir lieu de la confirmer par quelques exemples. Au contraire, il n’y a que des expériences méthodiques qui puissent arracher leur secret à des choses.

Mais si nous considérons les faits sociaux comme des choses, c’est comme des choses sociales. C’est le troisième trait caractéristique de notre méthode d’être exclusivement sociologique. Il a souvent paru que ces phénomènes, à cause de leur extrême complexité, ou bien étaient réfractaires à la science, ou bien n’y pouvaient entrer que réduits à leurs condi-