Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/93

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événements qui se produisent au cours de la vie sociale et qui se répètent à peu près identiquement dans toutes les sociétés du même type, sont beaucoup trop variés pour qu’il soit possible de déterminer dans quelle mesure l’un d’eux peut avoir contribué à hâter le dénouement final. Quand il s’agit d’individus, comme ils sont très nombreux, on peut choisir ceux que l’on compare de manière à ce qu’ils n’aient en commun qu’une seule et même anomalie ; celle-ci se trouve ainsi isolée de tous les phénomènes concomitants et on peut, par suite, étudier la nature de son influence sur l’organisme. Si, par exemple, un millier de rhumatisants, pris au hasard, présente une mortalité sensiblement supérieure à la moyenne, on a de bonnes raisons pour attribuer ce résultat à la diathèse rhumatismale. Mais, en sociologie, comme chaque espèce sociale ne compte qu’un petit nombre d’individus, le champ des comparaisons est trop restreint pour que des groupements de ce genre soient démonstratifs.

Or, à défaut de cette preuve de fait, il n’y a plus rien de possible que des raisonnements déductifs dont les conclusions ne peuvent avoir d’autre valeur que celle de présomptions subjectives. On démontrera non que tel événement affaiblit effectivement l’organisme social, mais qu’il doit avoir cet effet. Pour cela, on fera voir qu’il ne peut manquer d’entraîner à sa suite telle ou telle conséquence que l’on juge fâcheuse pour la société et, à ce titre, on le déclarera morbide. Mais, à supposer même qu’il engendre en effet cette conséquence, il peut se faire que les inconvénients qu’elle présente soient compensés, et au delà, par des avantages que l’on n’aperçoit pas. De plus, il n’y