Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/63

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par avance à toutes celles qui paraîtraient équitables à l’Angleterre et à la France. « Je négocierai jusqu’au bout », avait dit un jour M. Sazonoff, et il le fit. L’Allemagne lui a, il est vrai, reproché d’avoir, le 31, décrété la mobilisation générale et, pour ce fait unique, elle a voulu rendre le Gouvernement russe responsable de la guerre. C’était oublier volontairement que cette mesure avait été imposée à la Russie par la mesure identique que l’Autriche avait prise antérieurement. Aux millions d’hommes que l’Autriche se préparait à mettre en ligne, la Russie ne pouvait se borner à opposer les quelques corps d’armée qu’elle était en train de mobiliser. D’ailleurs, nous savons que M. Sazonoff offrit d’arrêter ses préparatifs si l’Autriche s’engageait à en faire autant, et ce n’est pas de la faute de la Russie si sa proposition n’aboutit pas. Aucune des puissances de la Triple-Entente ne saurait donc être incriminée.

Lourde, au contraire, est la responsabilité de l’Autriche. C’est elle qui a déclenché le cataclysme en adressant à la Serbie un ultimatum intentionnellement inacceptable. Puis, quand la crise fut ouverte, elle l’achemina vers un dénouement violent en fermant, pendant longtemps, l’oreille à toutes les transactions proposées. Cependant, on doit noter à sa décharge que, si elle désirait certainement la guerre avec la Serbie, elle ne semble pas avoir cherché une conflagration générale. Si, pendant un temps, elle s’est montrée intransigeante, c’est dans la conviction, soigneusement entretenue par M. de Tschirsky, que la Russie laisserait faire comme en 1909, après l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie. Aussi, quand elle s’aperçut qu’elle se trompait et que la Russie prenait les choses au sérieux, changea-t-elle aussitôt d’attitude. C’est la mobilisation russe qui la rendit conciliante. Le 29, la mobilisation partielle est décrétée ; le 30, le ton du comte Berchtold s’adoucit. Et plus la guerre européenne devient menaçante, plus le Gouvernement de Vienne devient pacifique. Quand il se rend compte enfin du jeu terrible qu’il était en train de jouer, il cherche à reculer.