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LIVRE IV.

aide ; elle se tiendra debout près de toi, comme l’invincible espoir ; celle-là te cachera l’abandon de presque toutes les autres. »

Merlin avait déjà passé, que l’âme à laquelle il avait adressé ces paroles écoutait encore. Il lui semblait, avant d’avoir vécu, que sa vie s’était déjà écoulée ; elle en devint si pâle qu’elle ne se distinguait plus de la nuit, et elle chercha à ses côtés celle qui devait la consoler.

« Est-ce elle qui survivra ? » voulait-elle demander ; mais la force lui manqua pour prononcer ces mots. D’invisibles larmes l’aveuglèrent avant qu’elle eût essayé de parler ; de plus en plus troublée, elle se cacha dans l’ombre du prophète, et le suivit, en silence, à pas inégaux à travers les ténèbres premières.

V

Par delà le premier labyrinthe des limbes, s’étend une plaine semblable au grand désert d’Arabie. Au milieu du désert, une figure était couchée et dormait sous une tente. Au bruit des pas du pèlerin, l’âme endormie s’éveilla, mais non point assez pour marcher au-devant de celui qui venait la visiter.

« Pourquoi tardes-tu à t’éveiller, âme voluptueuse ? lui cria l’enchanteur dès qu’il l’aperçut. Tu fais le contraire des autres qui voudraient devancer l’heure marquée. Tu oublies ici, au milieu de tes songes, que le temps approche pour toi. »