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MERLIN L’ENCHANTEUR.

À ces mots l’âme tressaillit, elle se dressa à demi à l’entrée de la tente.

« Lève-toi, Mahomet, reprit l’enchanteur, si tu ne veux laisser passer le siècle qui t’appelle. Ceins tes reins pour le combat de la vie ; tu auras besoin aussi du cimeterre. »

L’âme acheva de s’éveiller ; elle fit le geste d’un homme qui ceint ses reins d’un glaive invisible. Tous lui firent place en silence à mesure qu’elle s’avançait, et chacun l’enviait de paraître sitôt à la lumière du monde. Pour elle, sans tristesse et sans joie, elle marchait, comme la nécessité, au-devant des portes de bronze qui s’ouvrirent avec fracas pour la laisser passer.

Cependant toutes les âmes enfermées dans les limbes se regardaient en murmurant. Celles qui se tenaient le plus à l’écart disaient : « Pourquoi celui-là est-il favorisé ? Il n’a point le signe du Christ sur son front ; il n’a pas non plus le sang du Christ empreint dans ses rares paroles. Depuis quand les ennemis de l’Éternel sont-ils les préférés ? Ses disciples et ses croyants seront-ils toujours rejetés avant de naître dans l’infranchissable néant ? »

Celui qui semblait à ce moment parler pour tous les autres, était de la tête aux pieds enveloppé de bure à la manière d’un moine. Sa tête seule sortait du capuchon qu’il tenait renversé et il avait le col gonflé par la colère. L’horreur de ce qu’il venait de voir passait comme une ombre sur son visage.

L’enchanteur lui dit :