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LIVRE IV.

teau génois qui l’enveloppait et laissa voir son visage.

Merlin lui dit :

« Je te connais maintenant. Je t’indiquerai la voie. C’est toi qui dois porter le Christ sur tes épaules à travers l’Océan par delà l’Atlantique, et pour cela ils t’appelleront Christophe Colomb. Aiguise ici les yeux de ton esprit, en sorte qu’ils soient plus perçants que ceux de l’épervier et de l’aigle de mer. Car il te faudra discerner un monde à travers l’épaisseur de l’Océan.

« Vois d’ici ce golfe bleu, ceint de montagnes crénelées, qui montent jusqu’aux nues ; tel est celui où flottera ton berceau. Mais le port d’où tu partiras pour le grand voyage sera plus humble, et sans toi son nom resterait ignoré.

« Quand le grand jour viendra et que la voile sera hissée, dirige alors ton vaisseau en sortant des portes d’Hercule vers l’endroit où se couchent les astres. N’en dévie jamais malgré les apparences. N’écoute ni les vents ni les murmures des hommes. Consulte seulement les oiseaux qui voyagent : ils savent le chemin. Garde-toi d’en tenter un meilleur. »

Celui auquel il s’adressait se tenait immobile comme la pierre ; il était tout occupé à graver en lui-même les paroles qu’il venait d’entendre. Il apprenait à ses lèvres à les répéter. Puis, inclinant la tête comme un homme qui a reçu un ordre et qui promet d’y obéir :

« Je me souviendrai du chemin, » dit-il. Et il descendit sur la plage ; il y resta dans une contemplation si profonde, qu’il semblait compter le nombre des flots.