Page:Edgeworth - Contes de l enfance.djvu/77

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Allez faire votre rapport, allez ; sortez d’ici, sortez bien vite, et envoyez-moi Félix. »

À partir de ce moment, Félix eut seul le privilège d’aller travailler avec le sommelier. Il devint son favori, et Franklin, sans chercher à pénétrer le secret de leurs conférences, ne tarda pas à découvrir que les deux serviteurs buvaient le vin de leur maîtresse.

Mais ce n’était pas la seule faveur frauduleuse que reçut Félix ; sa tante, la cuisinière, ne laissait passer aucune occasion de lui donner quelques douceurs. C’était tantôt une aile de volaille, tantôt une demi-perdrix, du fromage, des fruits, et, en un mot, ce qui restait de meilleur du déjeuner ou du dîner. Franklin, au contraire, était laissé de côté, bien qu’il prît plaisir à aider la cuisinière, et que, dans un moment de presse, il fit tous ses efforts pour lui éviter des reproches mérites. Il garnissait les jardinières de fleurs, et préparait avec tant d’habileté tout ce dont on avait besoin, que le service de la cuisinière devenait facile. Mais l’ingrate profitait de sa complaisance et ne lui en savait pas plus de gré. À l’heure des repas, elle ne trouvait à lui donner que du pain et quelques mauvais légumes.

Franklin n’enviait cependant pas le sort de Félix. « J’ai une conscience irréprochable, se disait-il, et je suis certain que Félix ne peut pas en dire au-