Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/104

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n’était pas la pluie et le beau temps qui leur arrachaient ces longs soupirs. Flup enferma le busc de Rosa dans son bras vigoureux ; cédant à cette attirance, elle laissa choir la tête sur l’épaule du pitaud. Alors seulement il osa lui dire combien il la trouvait désirable. À son tour, elle avouait une ancienne inclinaison pour les arrimeurs et les gagne-denier du port. Souvent, l’atelier la relâchant, elle vaguait le long des quais, assistant aux manœuvres de force. Les compagnons, la tête prise dans un capuchon de toile goudronnée, évoluaient régulièrement, manipulaient la marchandise sans broncher, sans trahir la moindre fatigue. Combien de fois avait-elle passé devant lui avant, de le connaître ?

Longtemps ils restèrent blottis sous la feuillée. Le jardin se vidait, les girandoles et les ballons chinois amorçant les badauds au dehors se clairsemaient ; dans la salle de danse, la retombée furieuse des pieds sur le parquet, les pétarades des trombones, les cliquetis des verres, les bousculades et le bacchanal des nuits de féerie s’apaisaient, expiraient dans un lointain de plus en plus indéfini.

Tjefke, qu’ils avaient oublié et qui les cherchait depuis une heure, troubla ce langoureux tête-à-tête. Mais avant de se séparer, ils convinrent de se retrouver au Robinet le prochain dimanche.

Ils se fiancèrent dès cette seconde rencontre et fixèrent l’époque du mariage à la fin d’août, après la kermesse d’Anvers.

Nos lourds manants de Flandres portent, en raison même de leur besoin de concentration, une infinie déli-