Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

catesse dans leurs engagements de cœur ; leur tendresse est d’autant moins diserte que les sources en sont profondes et leurs rudes accolades, leurs déclarations corsées, si étrangères à notre code de galanterie et à notre rhétorique de sentiment, dissimulent souvent une candeur idyllique, une absolue virginité d’âme. Ils ne sont obscènes et cyniques qu’au dehors, tandis que la corruption savante et l’athéisme raisonné de nos mondains déguisés sous le concetti et le sophisme, effaroucheraient les plus incorrigibles de ces débagouleurs.

Flup Borlander représentait un de ces faux lubriques. Il était, de plus, catholique pratiquant convaincu jusqu’à l’exaltation. Du jour où il élut la compagne de sa vie, il se jura de ne la posséder que le soir de la noce. On aurait beaucoup surpris les camarades d’équipe de Deux-Cents-Kilos et amusé les gaguis de l’atelier de Rosa en leur révélant la condition exacte des rapports entre le débardeur et la trieuse, habitués qu’étaient les gouailleurs à les voir toujours ensemble à la promenade, le long des glacis, à la danse, frileusement enlacés. Comment un gars si bien constitué pouvait-il garder ce serment de séminariste ! Il le gardait pourtant. Mainte fois, congestionné, bouillant, le scrupuleux fiancé faillit escompter les délices promises à l’époux. C’est aussi que cette affriolante Rosa mettait la continence héroïque du mâle à des épreuves atroces. Elle avait accueilli avec des transports attendris, comme une garantie de l’amour véritable et des intentions sérieuses du bien-aimé, le délai imposé par le franc garçon à leur complète union. Mais elle se fatigua bientôt de ce platonisme. Ils hale-