Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/119

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geaient pas. Dans la symphonie des louanges, les mépris stridaient comme des fifres.

— Une pensionnaire du Riddeck, que cette pucelle ! ricanait un voyou à voix de rogomme.

— On cultive cette graine de rosières dans les musicos du quartier des Bateliers ! répliquait un second faubourien.

— Une vierge folle, alors ! faisait un étudiant.

— Une plante aquatique ! Un nénufar des Fossés du Burg ! renchérissait un rapin.

— Ces cent francs représentent dix hommes ! reprenait le veule voyou et, pour se faire mieux comprendre, il claquait de la langue et prenait une posture obscène.

— Saligaud ! rugit une voix étranglée derrière le gamin, tu en as menti ! C’est une honnête créature. Pour sûr elle ignore ce qu’elle fait. Que je lui parle et elle me suivra !

Et avant que les railleurs eussent eu le temps de riposter, Flup s’était précipité à la rencontre du char d’Anvers, en jouant des coudes et des genoux et en bousculant les grincheux, sourd aux récriminations et aux injures.

Il l’avait reconnue, la malheureuse, dès son apparition au coin de la rue ; même avant, alors que le tonnerre des ovations ne faisait qu’annoncer l’approche du char encore invisible. Quelque chose s’était serré dans la poitrine de l’honnête garçon et, une appréhension indicible obscurcissant son visage épanoui, ses yeux avaient anxieusement interrogé « ce qui allait venir. »