Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/120

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Un tour des roues encore et il sut l’étendue de sa honte.

D’abord il était resté cloué sur place, fasciné, pétrifié, en proie au cauchemar qui suffoque.

C’était bien sa Rosa, l’élue de sa chair et de son âme, sa fiancée devant Dieu, qu’on acclamait ainsi ; c’était la même qui offrait en spectacle à l’ignoble foule les mystères affolants de son corps. À peine si Flup avait deviné ou furtivement entrevu ce qu’elle dévoilait maintenant à tout un peuple. Il songeait au retour de Gallifort, à ce qu’elle souffrait, à ce qu’il endurait lui-même ce soir-là. Ah oui, cette fois, c’était une vierge pour de bon qu’on servait au populaire ! Et Flup qui, se fiant aux cajoleries de la perfide, s’apprêtait à fuir la kermesse banale pour célébrer aux champs, à deux, la kermesse des fiançailles, la nuptiale veillée…

N’importe, généreux comme l’était le fier gars, il pardonnerait encore à condition qu’elle l’accompagnât sur-le-champ. Justement le char de la Pucelle venait de s’arrêter à quelques cent mètres du Palais-Royal.

Le débardeur se mettait en devoir de l’escalader. Quatre sergents de ville l’en empêchèrent. Maîtrisé à grand’peine, il vociférait et suppliait tour à tour :

— Lâchez-moi ! Cette femme m’appartient ; elle est ma maîtresse… alors, je suis un peu son maître, est-ce pas ? Non, c’est ma fiancée, je vous le jure ; elle est plus immaculée que toutes les dames qui la regardent… Mes bons messieurs, s’il vous plaît…

La clameur des assistants couvrait sa voix, il hurla plus fort pour attirer l’attention de Rosa :