Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/121

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— C’est moi, Rosa ! Descends, je le veux… je t’en supplie… Malheureuse ! Épargne-moi…

Brusquement elle tressaillit, pareille a une somnambule qu’on réveille, aperçut ce furieux aux prises avec les agents de police, le reconnut, et, désagréablement surprise par cet impromptu populacier, elle ne put qu’ébaucher un méprisant sourire. Elle lui en voulait malignement de la rappeler à la réalité chagrine. Dans l’unanime idolâtrie qu’elle croyait imposer, cette algarade discordait comme un blasphème ; le cri déchirant de l’amour vrai la révoltait ainsi qu’un sacrilège.

Hors de lui, il continuait de la conjurer et se débattait pour grimper jusqu’à ce trône de carton doré.

— Rosa ! Pitié pour ton Flup ! Tu usurpes la place des ribaudes. On te confond avec les chiennes !

Elle demeurait impassible, glaciale.

— Pour la dernière fois, Rosa, si tu m’as jamais aimé, descends !

Il sanglotait.

Le ridicule intermède ! Elle avait bien besoin de s’empêtrer de ce corneur ! Abdiquer devant ces milliers d’adorateurs pour s’éclipser au bras d’un maroufle ? Jamais ! Aussi répondit-elle à la navrante supplication de Flup par un faux et aigre éclat de rire d’enfant gâtée. Puis elle se détourna.

— Eh bien, tu l’auras voulu ! gémit le débardeur.

Un signal de cromornes fit s’ébranler le cortège ; emportés avec la poussée féroce des curieux, les policiers durent lâcher un instant le trouble-fête. Le jeune homme fonça en avant, rattrapa le char, se jeta à la tête des