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II

Le « Moulin de pierre ».


À sa deuxième visite, et à celles qui suivirent, lorsque les vacances le renvoyaient chez ses tuteurs, Laurent ne se trouva pas plus acclimaté que le premier jour. Il avait toujours l’air de tomber de la lune et de prendre de la place.

On n’attendait pas qu’il eût déposé sa valise pour s’informer de la durée de son congé et on se préoccupait plus de l’état de son trousseau que de sa personne. Accueil sans effusion : la cousine Lydie lui tendait machinalement sa joue citronneuse, Gina semblait l’avoir oublié depuis la dernière fois, quant au cousin Guillaume, il n’entendait pas qu’on le dérangeât de sa besogne pour si peu de chose que l’arrivée de ce polisson, il le verrait bien assez tôt au prochain repas. « Ah ! te voilà, toi ! Deviens-tu sage ?… Apprends-tu mieux ? » Toujours les mêmes questions posées d’un air de doute, jamais d’encouragement. Si Laurent rapportait des prix, voyez le guignon ! c’étaient ceux précisément auxquels M. Dobouziez n’attachait aucune importance.

À table, les yeux ronds de la cousine Lydie, implacablement braqués sur lui, semblaient lui reprocher l’appétit de ses douze ans. Vrai, elle faisait choir le verre de ses doigts et les morceaux de sa fourchette. Ces accidents ne valaient pas toujours à Laurent l’épithète de maladroit, mais la cousine avait une moue méprisante qui disait assez clairement sa pensée. Cette moue n’était rien cependant, comparée au sourire persifleur de l’impeccable Gina.

Le cousin Guillaume qu’il fallait quérir plusieurs fois avant