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IX

La « Gina ».


Grand branle-bas aujourd’hui au chantier des constructeurs de navires Fulton et Co. On va procéder au lancement d’un nouveau navire achevé pour le compte de la Croix du Sud, la ligne de navigation entre Anvers et l’Australie. La cérémonie est annoncée pour onze heures. Les derniers préparatifs s’achèvent. Comme un papillon immense, longtemps serré dans sa chrysalide, le navire, complètement formé, a été dégagé de son enveloppe de charpentes.

Le chantier est orné de mâts, de portiques, disparaissant sous une profusion de « signaux », de pavillons, d’oriflammes de toutes les couleurs et de toutes les nationalités, parmi lesquels domine le drapeau rouge, jaune et noir de la Belgique. D’ingénieux monogrammes rapprochent les noms du navire, de son constructeur, de son armateur : Gina, Fulton, Béjard. Ici figurent le millésime de l’inauguration et celui de l’achèvement du travail.

Près du navire se dresse une tribune, tendue de toile à voile que le vent humide secoue par moments d’une façon assez rageuse.

Non loin de l’eau repose, comme une baleine échouée, l’immense bâtiment. La puissante carcasse, étançonnée, fraîchement peinte en noir et rouge, À la poupe, en lettres d’or, dans une sorte de cartouche sculpté, figurant une sirène, on lit ce mot : Gina.

Dès le matin, le chantier se garnit de curieux. Les invités munis de cartes prennent place sur les gradins de la tribune.