Page:Eekhoud - La nouvelle Carthage.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
LA NOUVELLE CARTHAGE

fièvre si inquiétante que M. Dobouziez dut la supplier de prendre du repos et de ménager sa santé. Elle fut la reine de la saison, la plus fêtée, la plus adulée, la plus intrépide.

Partout Bergmans et Gina se traitaient avec une familiarité affectée, essayant de se donner l’un à l’autre le change sur leurs pudeurs et leurs pensées intimes. Et tous deux s’en voulaient de cette amitié de parade, de ces expansions frivoles, de ce flirtage, sous lequel germait un sentiment profond et attendri.

— Je ne tire pas à conséquence ! se disait Door Bergmans, aussi petit garçon qu’Hercule aux pieds d’Omphale. Elle me considère comme un plaisantin un peu plus en verve que les autres, voilà tout ! Devine-t-elle seulement la fascination qu’elle exerce sur moi ?… Que ne suis-je plus riche encore, ou que n’est-elle pauvre et née dans un autre monde ? Depuis longtemps j’aurais demandé sa main…

Régina ne souffrait pas moins. Elle avait dû finir par se l’avouer elle-même, elle aimait cet « anarchiste », elle, la fille bien née, l’héritière du nom des Dobouziez… Jamais elle n’eût osé parler à son père de pareille préférence !

Elle en voulait pourtant à Bergmans de ne pas deviner ce qui se passait en elle.