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II

La Casquette.


À la recherche du logis des Tilbak, il s’était engagé dans le quartier des Bateliers.

On commençait à allumer les réverbères, lorsqu’il avisa une petite boutique portant pour enseigne : À la Noix de Coco, à l’étalage de laquelle s’amoncelaient les objets les plus disparates ; lunettes et boussoles marines, coffres de matelots, chapeaux goudronnés, casquettes de grosse laine, paquets de tabacs anglais et américain enveloppés de papier jaune, tablettes de cavendish ou rôles de tabac à chiquer, canifs, crayons, flacons de parfum, savon de Windsor.

Quelque chose lui disait que c’était là le logis de sa chère Siska. Il n’eut plus de doute en avisant, dans la boutique, une femme occupée à ranger les articles déplacés. Elle tournait le dos à Laurent, et comme la pièce n’était pas encore éclairée, il distinguait à peine sa silhouette, mais avant qu’elle lui eût montré son visage, il l’avait reconnue. Elle alluma les quinquets. Il la voyait en face. C’était la même bonne figure ouverte d’autrefois ; elle avait encore ses bandeaux de cheveux crespelés, un peu grisonnants à présent, où les doigts du gamin s’embarrassaient et qu’il tirait sans pitié. Il demeurait en arrêt devant l’étalage, de l’air d’une pratique qui fait son choix et, comme la rue était plus sombre que la boutique, Siska avait plus de peine à le distinguer. De temps en temps, tout en vaquant à la toilette de son magasin, elle lançait au quidam hésitant un regard à la dérobée. Cela ne mordait donc pas ?