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La Guigne


Il n’avait point d’amour et rougissait encor
Quand les femmes levaient sur lui leurs yeux humides.
Sa bouche restait close, et sous de longs cils d’or
Il voilait des regards de novice, timides :
Ainsi les papillons sortis des chrysalides
N’osent au plein soleil diriger leur essor.

Fort comme un lionceau, doux comme une colombe,
Il avait révélé sa force et sa douceur,
Tendant une main prompte au malheureux qui tombe,
Toujours prêt à frapper le lâche ou l’oppresseur.
Plus d’un se souvenait de ses poings de boxeur,
S’enfonçant dans la chair comme un éclat de bombe.

Ses cheveux châtain clair étaient courts et laineux,
Frisaient sous la casquette au-dessus des oreilles ;
Comme sur les rosiers les boutons matineux,
Ou sur les arbrisseaux, en juillet, les groseilles,
Ses lèvres de vingt ans s’arrondissaient vermeilles.
La candeur y mettait des reflets lumineux.

Il était presque imberbe. Une moustache fine,
Gaillarde, vers les coins, en crocs se relevait,
Chatouillait de son poil les bords de la narine,