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La Guigne

Et de son teint d’éphèbe au timide duvet,
Teint de blond, de Flamand, qu’un sang pur avivait,
Était venu ce nom, Veloureux, j’imagine.

Il était orphelin dès l’âge de six ans,
N’avait pas plus d’esprit que n’en ont d’ordinaire
Les travailleurs du corps, ouvriers, paysans ;
Il ne gagnait pas gros, vivait de son salaire
Au jour le jour. Cœur vierge, il ne songeait à plaire
Et ne trouvait jamais ses labeurs écrasants.

Son costume… Il n’est pas besoin qu’on en rabâche :
Vous aurez tous, les jours de brume ou de soleil,
Devant une bâtisse au multiple appareil,
Près du tas de chaux vive ou de plâtre qu’il gâche,
Vu quelque aide maçon occupé sans relâche,
Le corps souple et dispos, l’œil toujours en éveil.

Le voilà se courbant et ramassant les briques
En sifflotant les airs de vos œuvres lyriques,
Ta Carmen, ô Bizet ! ta Norma, Bellini !
Mais sa hotte est remplie, et là-haut, colériques,
Maugréant, ses aînés, les maçons, ont fini
D’élever les moellons en murs géométriques.