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La Guigne

Un chapeau tout petit, de paille d’Italie,
La plume et les rubans d’un rouge noir de lie ;
Des bottines d’étoffe, une ombrelle à la main.

Voilà, grosso modo, quelle était sa toilette.
Ses beaux cheveux de jais, trésor luxuriant
Où le soleil mettait une ombre violette,
Retombaient dans son col ; son œil était riant,
Mais étrange et railleur. Les jours, en s’enfuyant,
N’avaient guère changé la brune maigrelette.

Du reste avec aisance, un maintien sans défauts,
Des grâces de haut goût chez la demi-mondaine
Qui vont avec le musc et les diamants faux,
La Guigne supportait sa fortune soudaine,
Les huîtres, le champagne et les robes à traîne.
Il fallait s’en donner avant le coup de faux !
 
Disait-elle souvent. Elle était de parole.
Le luxe est le premier besoin de la beauté.
L’amour ne vient qu’après ; autant jouer le rôle,
Au lieu du sentiment offrir la volupté…
Chez la Guigne l’amant s’en était contenté.
Elle ne l’aimait pas, mais le trouvait très drôle.