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Une Vierge folle

Ses yeux doux et brillants sont de cet azur clair
Que l’on voit au sommet des Alpes, dans l’éther.
Sur sa bouche, exprimant la bonté dans la force,
D’un sourire loyal s’ajoute encor l’amorce.

Mais Jeanne ne voit pas et ne songe aujourd’hui
Aux rêves d’avenir, qu’il a caressés, lui,
Et, tandis qu’il est là sous le porche à l’attendre,
Le cœur brûlant d’espoir, muet, timide et tendre,
Qu’il la couve des yeux, la casquette à la main,
N’osant même approcher et barrer son chemin,
L’aimant avec ce feu, cette ardeur, cette angoisse,
Cette virginité que nul calcul ne froisse,
Avec l’intensité d’un pur, d’un grand amour,
Le seul et le premier…
Le seul et le premier…Sans lui dire bonjour,
Sans le voir, la dévote indifférente passe,
Les mains jointes, les yeux baissés, le front de glace,
Et descend lentement les marches du saint lieu,
Et songe à ce qu’a dit le ministre de Dieu.

Il veut la suivre… « Un mot… Jeanne ! ma fiancée ;
Dis, c’est moi, ton André. »
Il veut la suivre… « Un motElle est déjà passée.