Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/168

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— Sauve-toi ! sauve-toi ! mon ménage traîne à ct’heure !

Il obéit sans trop rechigner, parce qu’il était joyeux. Il feignit d’ignorer Gaud en passant près du mât sur lequel il se tenait perché, mais une voix goguenarda au-dessus de sa tête :

— Eh ! bonjour Piron !

Il leva le nez, comme surpris, répondit « bonjour ! » et rentra au phare. Sémelin l’accueillit avec sympathie.

— T’as bien fait de r’venir, p’ tit gars, tu prieras à l’aise pour ton vieux ici…

Ah ça ! cette mort allait-elle le poursuivre longtemps ? Il croyait se heurter au pendu chaque fois qu’on en parlait.

Il avait repris son poste pour la Gaude, bien sûr, mais aussi pour se distraire des faces contrites et des propos apitoyés de l’Herbaudière ; et voilà qu’il retrouvait l’obsession du village sur ce caillou, en plein océan ! — Eh bien oui, le père était mort ! N’était-on pas tous mortels ! Mais bon Dieu qu’on vous fichât donc la paix tandis qu’on était là !

Furieux, Jean-Baptiste s’enferma dans un mutisme que le vieux prit pour du recueillement — lui qui avait tant de fête dans la poitrine ! Et ses affaires rangées, il se livra, avec acharnement, à cette besogne d’astiquage qui est la vie des gardiens de phare.