Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/176

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La bourrasque est imminente. Depuis la tombée de la nuit, on la sent si proche que l’attente mouille les échines et oppresse. La mer a crié et tiré de fond jusqu’au soir, plaintive et tressaillante comme une femme qui va enfanter. Maintenant, dans un répit formidable, elle retient son souffle, mais se gonfle en vagues lisses qui marchent irrésistiblement jusqu’aux rivages qu’elles bombardent.

Les vents suspendus grandissent la menace. Tout est immobile et ployé de crainte. Les hommes sont las et ont de l’amertume dans la bouche. La terre semble morte. Et l’océan seul vit et pousse ses masses, sans déferler, à l’assaut du bord.

Au large, les barques roulent bas dans le clapotement des voilures fouettées par les garcettes. Le gréement geint, les écoutes battent, le gouvernail gémit dans ses fers, et l’on entend se tordre les bois qui se disjoignent. Les barques sont déjà comme des épaves perdues dans la houle, où des hommes muets se cramponnent, avec de la peur