Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/181

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La seconde nuit surtout fut interminable et sinistre, avec des bruits étranges qui traversaient le tumulte. Des forces mystérieuses semblaient déchaînées dans l’inconnu ténébreux. Il y avait peut-être plus que de la mer et du vent dehors, et la peur crispait un peu les entrailles des hommes.

Vainement Jean-Baptiste s’efforçait de penser à la Gaude ; les coups de mer lui sonnaient trop aux oreilles. Alors il se tournait vers le vieux pour solliciter une histoire. Mais Sémelin égrenait méthodiquement son chapelet et, quand il se signait et baisait la croix, Jean-Baptiste se signait aussi, d’un geste nerveux, puis revenait à la tempête.

Elle se coupait maintenant d’accalmies, pendant lesquelles on entendait les glaces crépiter là-haut sous des chocs, comme si les pierres de l’îlot volaient contre le phare.

— Ils vont nous défoncer ! fit Piron.

Le vieux leva sa barbe vers la lumière, Jean-Baptiste gravit quelques marches. Des ombres fonçaient sur les vitres. À peine s’il reconnaissait des oiseaux, précipités dans le rayon protecteur, dont le crâne éclatait contre les glaces. La coupole de cuivre vibrait comme une tôle sous la ruée des bêtes culbutées par l’espoir sur le faux soleil. Les cervelles giclaient, du sang coulait, les ténèbres elles-mêmes paraissaient grouiller autour de la