P’tit Pierre était le dernier né des Bernard qui
l’avaient eu aux limites de l’âge mûr pour réserver
un peu de joie à leur vieillesse. Ils avaient espéré
une fille cette fois-là, parce qu’une fille on la garde
près de soi et qu’elle ne va pas courir les océans.
Mais ce fut un garçon, le cinquième, qui parut
bientôt tout blond et bouclé par la grâce de Saint-Guinolé
dont c’est le privilège de friser les enfants
des femmes qui lui piquent une épingle dans le
pied en faisant leur prière.
La mère Bernard n’avait jamais manqué, à chaque grossesse, d’apporter son épingle aux orteils du vieux saint de bois qui orne l’église du village ; et comme il avait fini par l’exaucer, elle disait avec une foi nouvelle :
— Sans doute qu’auparavant j’avais point mis dans la bonne place !
Les autres gars, en effet, arboraient des cheveux bruns et plats : Florent, le cadet, et Eugène, l’aîné, maintenant que Dominique et Augustin, les deux qui portaient les noms du père, étaient morts.