Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

résistaient et portaient encore des fleurs. Viel vendangeait ses treilles et les femmes préparaient pour leurs hommes des vêtements cirés et salaient des maquereaux en prévision de l’hiver.

Aucune dépêche n’avait encore signalé le Bourbaki sur lequel naviguait Eugène, et l’inquiétude fêlait, à petits coups, l’espoir au cœur des Bernard. Le brigadier enquêtait près des vieux coureurs de mer ; mais chacun ne savait qu’exalter le temps de sa jeunesse au mépris de celui dont il n’est déjà plus.

— Ton gars s’rait sur un navire en bois, oui ! proclamait Hourtin, je répondrais de lui ! Mais sur de la ferraille, non ! Fallait voir notre Sainte-Anne en cœur de chêne, si ça patouillait proprement ! Le fer c’est le fer quoi ! ça navigue point, ça coule ! Ah ! la marine en bois !

Et un beau jour, Louchon poussa la porte des Bernard pendant qu’ils étaient à table.

— Bonjour à vous la compagnie !

La bonne femme mit la main sur sa forte poitrine pour retenir son cœur qui sautait. Bernard affermit son maintien et tendit la main pour recevoir la lettre.

— Dame y en a point encore, mais on vous demande à la Marine, c’est m’sieu Bourdin, l’préposé ; des nouvelles pour le sûr…

— C’est bon, on va y aller tantôt, dit Bernard.