Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/260

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— Ça fera un rude marin !

Et voilà que, tout soudain, sans prévenir, il lâchait la marine pour la varlope et ne regardait plus les frères ! Froissé comme d’une injure, Perchais traita P’tit Pierre de « renégat » en regrettant :

— Un gars qu’était si capable et si fort déjà !

P’tit Pierre se dérobait à ces propos qui lui donnaient de la tristesse et de la honte. Mais quand on lui reprochait trop directement l’abandon des barques, qu’il faut du courage et de la force pour mener, il s’excusait.

— Pour la mère, vous savez…

Les autres hochaient la tête, sans approuver, ou bien ajoutaient, presque méprisants :

— Ça c’est ton affaire !

Et on riait autour de lui, parce qu’il n’y avait que les femmes à le défendre.

L’hiver fut rude, à la satisfaction de Clémotte qui en avait prédit la rigueur dès la mi-septembre, en voyant les abeilles s’enfermer précocement dans les ruches. Au village on se coucha tôt pour ménager la chandelle et le feu, avec seulement une soupe chaude dans l’estomac. Le bois devint rare et cher ; on brûla des bouses de vache séchées pendant l’été, en se serrant plus près sous le manteau de la cheminée où tremblaient les vieux recroquevillés.

Aux embellies, ils descendaient sur le quai con-