Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/279

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avec elle, tandis que Bernard les accompagnait de son regard tutélaire.

La nuit, dans le village, on entendit Tonnerre parler à la mer. Le temps était solennellement calme et les maisons toutes bleues de lune. Un peu de brise agitait par intervalle les feuilles dans les jardins, et la mer soupirait le long du rivage.

P’tit Pierre, sorti dans la courette, où frémissaient les deux hortensias, écoutait la voix ruinée du fou de la mer qui braillait au port. Ce n’étaient plus que des cris rauques, inarticulés, comme des aboiements, mais dont P’tit Pierre avait gardé le sens dans sa mémoire : « Ma câline ! ma belle douce ! ma femelle enjôleuse !… » Et brusquement un hurlement s’étrangla et le doux silence lunaire grandit sur le village.

Le lendemain en attendant le père Crozon pour embarquer, Cul-Cassé découvrit à P’tit Pierre ses tatouages : au poignet, un grand navire sous voiles, et deux ancres sur le bras avec un drapeau tricolore souligné de la devise : Quand même !

— Hein ! la marine, si on l’a dans la peau ! dit-il.

Les sardiniers s’éloignaient en paquet, très colorés dans la lumière blanche du matin. La mer baissait par petites secousses, en roulant du sable, comme de l’argent, sur le rivage. Un grand thonier, les antennes hautes, échouait le long des