Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

médecins, « qui tous faisaient leur devoir avec un sublime dévouement », comme si le devoir accompli et l’exemple dû par les chefs étaient une rare curiosité. Puis ronflaient des tirades sur la grandeur du sacrifice, la beauté de la mort pour la patrie, en prologue à l’apothéose des funérailles nationales, avec les drapeaux, les baïonnettes, les panaches, les uniformes, au milieu de tout un peuple dont on sentait se lever les suffrages comme des palmes.

Bernard lisait cela jusqu’au bout, le relisait souvent, en s’exaltant à mesure. L’horreur de la catastrophe s’effaçait derrière la gloire qui remuait sa vieille âme de soldat et de français ; et l’imagination dupait son cœur au point qu’il en oubliait la mort de son gars.

Mais au retour chez lui, devant sa bonne femme, tassée d’inquiétude, qui ne sait pas, mais qui se doute, il retombait de son haut à la simple douleur des mères et réentendait le cri tragique de la nature, par-dessus la clameur de la patrie reconnaissante. Toujours pas de nouvelles, P’tit Pierre n’avait même pas signalé son arrivée, ni à eux, ni à Cécile.

Ils attendaient.

L’automne hâtif chargeait la nue, rongeait les jours qui s’éteignaient maintenant en des crépuscules rouges au lieu de se prolonger en clair-