Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/302

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son Bernard : la soupe aux légumes et le pot au feu. Elle regardait indéfiniment la route blanche au travers des vitres, et connaissait si bien l’emplacement des cailloux qu’elle s’apercevait du moindre manquant. La sortie bruyante de l’usine lui rappelait l’heure, mais l’agaçait à cause de la joie des filles.

Bernard feignait de s’occuper beaucoup du jardin et annonçait chaque jour qu’il allait faire une tombe pour ses laitues ou tresser des oignons. Seulement, si sa bonne femme venait le rejoindre, elle le trouvait assis sur la brouette, les bras croisés ou se promenant parmi les carrés, les yeux à terre.

Il descendait encore chez Zacharie, consulter l’Écho de Paimbœuf qui suivait le sauvetage du Pluviôse. Il entrait par derrière, par l’atelier, et demeurait à la cuisine pour ne pas se montrer dans l’auberge, surtout aux amis.

Le Pluviôse était maintenant à sec, dans le port, et l’on commençait l’extraction des cadavres pourris dans ses flancs crevés. La plupart étaient méconnaissables. On les portait à terre et on les alignait en bière dans un hangar transformé en chapelle ardente, où sanglotaient tout le jour des épouses et des mères. Et le journal, après ces brèves indications, se répandait en louanges sur la conduite du Préfet maritime, de l’amiral, des