Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/51

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appelant, à force de moulinets, une coiffe blanche qui se hâtait sur le sentier du côté de l’écluse.

— Mais dépêche-té donc !

La Marie-Jeanne fonçait contre le vent, le jupon collé aux cuisses, remorquant à bout de bras son petit Jean qui sautillait dans des galoches. Elle s’excusa : elle avait dû attendre la Viel pour lui confier les autres gars. Mais, sans gronder, Coët lui prit la main, l’entraîna en haut du chantier et se croisa les bras auprès d’elle.

Léon venait de monter à bord avec le jeune Goustan. Les accores s’abattirent. La barque fut libre, d’aplomb sur sa quille ; on entendit grincer l’outil de François qui sciait la savate. Immobile et redressé, avec de la joie sur la face, le père Goustan tendait l’œil à pleines bésicles.

Un craquement sec, François jeta :

— Envoyez !

La barque bouge à peine, glisse, prend de la vitesse, touche la mer.

Les poutres ronflent sous la masse, l’eau s’ouvre, gargouille, s’enfle, contre l’arrière, et, refoulée, monte brusquement sur les berges. D’un coup, la barque inclinée se redresse, flotte et court sur son aire. Les aussières raidissent en geignant ; les chaînes raguent dans les écubiers ; et arrêté dans son mouvement au ras du quai, le bateau revient mollement sur lui-même.