Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/52

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Le chantier vide paraissait immense. Les hommes clamaient d’enthousiasme et l’on répondait de l’autre côté du port.

À bord Léon et Théodore agitaient leur béret ; le drapeau claquait dans le grand vent d’ouest ; et personne ne vit Urbain qui soulevait son enfant vers le bateau comme un bouquet d’espoir.

La Marie-Jeanne avait envie de pleurer sans savoir pourquoi. Elle pensait au jour de ses noces où elle avait manqué pâmer à l’église. Elle s’approcha de son homme jusqu’à sentir sa chaleur. Le petit Jean cria. Urbain songea :

— Ah ! si le père était là !

Car il sentait confusément en lui, à la fois, l’effort reculé de la race et son nouvel élan. Il revit le vieux qui avait tant trimé pour amasser, sou à sou, l’argent d’une barque, et que la mort avait culbuté tout d’un coup au foyer avant qu’il ait pu voir son rêve, ce bateau bleu qui se tenait là-bas, cambré au vent sur ses amarres.

Les Goustan avaient entonné des chœurs orgueilleux parmi les hommes qui réclamaient à boire. C’était l’heure de la libation rituelle qui consacre les affaires humaines et exalte les victoires. Déjà chacun tirait vers la buvette quand la Marie-Jeanne poussa un léger cri.

La botte de passeroses, nouée à l’étrave, venait de tomber à l’eau dans un coup de vent. Elle la