Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/132

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pas un rustre. Si votre fils John se mettait à jouer au billard à présent, on dirait qu’il est fou.

— Votre neveu John n’a jamais joué au billard ni à aucun autre jeu, mon frère, et il est loin de perdre, comme le jeune Vincy, des centaines de livres qui, au dire de chacun, sortent probablement d’une autre poche que de celle de M. Vincy. Car on dit qu’il n’a cessé de perdre de l’argent depuis des années ; personne ne s’en douterait cependant à le voir continuer ses chasses et tenir toujours table ouverte. Et j’ai entendu dire que M. Bulstrode blâmait mistress Vincy de sa légèreté et de ce qu’elle gâtait ainsi ses enfants.

— Et que m’importe Bulstrode ? Il n’est pas mon banquier.

— Oui, mais mistress Bulstrode est la propre sœur de M. Vincy, et on dit que M. Vincy spécule surtout avec l’argent de la banque, et vous devez comprendre vous-même, mon frère, que, lorsqu’une femme de plus de quarante ans porte des rubans roses flottants et rit comme elle étourdiment à tout propos, tout cela est très peu convenable. Mais gâter ses enfants est une chose et trouver de l’argent pour payer ses dettes en est une autre ; et l’on dit hautement que le jeune Vincy a spéculé sur certaines espérances d’héritage. Je ne vous dirai pas quel héritage. Miss Garth me comprend et elle sera la bienvenue si elle veut parler. Je sais que les jeunes gens se tiennent toujours.

— Non, je vous remercie, mistress Waule, dit Mary Garth. Je déteste trop le scandale pour vouloir le répéter.

M. Featherstone frottait toujours la pomme de sa canne, poussant un petit éclat de rire convulsif, et, les yeux fixés sur le foyer, il reprit :

— Et qui prétend dire que Fred Vincy n’a pas de belles espérances ? un aussi beau jeune homme, et si spirituel, peut bien y prétendre.

Après un instant de silence, mistress Waule, d’une voix