Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/142

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— Oui ; mais miss Morgan pst si peu intéressante, et puis elle n’est plus jeune.

— Elle est intéressante à ses propres yeux, je suppose, et je ne suis pas sûre que tout devienne plus facile à mesure qu’on vieillit.

— Non, dit Rosemonde, pensive et distraite ; on se demande comment peuvent vivre de telles personnes sans nul avenir devant elles ; à vrai dire, il y a la religion qui leur est certainement d’un grand secours. Mais, ajouta-t-elle en souriant, mais votre situation à vous, Mary, est toute différente et il se pourrait bien que l’on vous demandât en mariage.

— Quelqu’un vous en a-t-il annoncé l’intention ?

— Non, sans doute. Je veux dire que quelqu’un, vous voyant à peu près tous les jours, pourrait bien devenir amoureux de vous.

Il se produisit sur la figure de Mary un changement d’autant plus marqué qu’elle s’était promis de ne rien laisser paraître.

— Est-ce de se voir tous les jours qui fait que l’on devient amoureux ? répliqua-t-elle avec insouciance ; il me semble que c’est tout aussi souvent une raison d’apprendre à se détester.

— Pas lorsque les gens sont intéressants et agréables, comme est, dit-on, M. Lydgate.

— Oh ! M. Lydgate dit Mary passant visiblement à l’indifférence la plus complète. Vous désirez savoir quelque chose de lui.

— Je voudrais seulement savoir comment vous l’aimez ?

— Il n’est pas question d’aimer pour le moment. Mon affection a toujours besoin d’un peu de tendresse pour s’allumer. Je ne suis pas assez magnanime pour aimer les gens qui me parlent sans avoir l’air de me regarder.

— Est-il si dédaigneux ? reprit Rosemonde avec une satis-