Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/168

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compter ? Vous prenez l’argent comme un grand seigneur, je suppose que vous le dépensez aussi en grand seigneur.

— Je pensais qu’à cheval donné on ne regarde pas la bouche, monsieur. Mais je serai très heureux de les compter.

Fred pourtant, après les avoir comptés, se trouva désappointé, car ils avaient le tort de représenter moins que ses espérances ne l’avaient décidé. Et n’est-ce pas l’accord avec ses espérances qui sert de mesure à la satisfaction de l’homme ? Fred fut cruellement déçu lorsqu’il ne se vit entre les mains que cinq billets de vingt livres. Sa bonne éducation sembla lui faire défaut en cette circonstance, et son jeune et frais visage en fut visiblement ému. Toutefois il remercia :

— C’est très beau de votre part, monsieur.

— Je le crois bien, dit M. Featherstone fermant sa cassette et la remettant en place ; puis, d’un geste dégagé, il ôta ses lunettes et, comme si une méditation intérieure l’en eut plus profondément convaincu, il répéta : Je crois bien que c’est beau !

— Je vous assure que je suis très reconnaissant, dit Fred, à qui sa bonne mine avait eu le temps de revenir.

— Et vous devez l’être. Vous espérez tenir un rang dans le monde, et je crois que Pierre Featherstone est le seul qui puisse vous être utile.

Ici les yeux du vieillard étincelèrent d’une étrange satisfaction à la pensée que ce florissant jeune gars se reposait entièrement sur lui et que ce florissant jeune gars était un fou d’agir ainsi.

— Oui, sans doute. Je ne suis pas né avec des chances bien magnifiques. Peu d’hommes ont été aussi étroitement restreints que moi, dit Fred étonné lui-même de sa vertu en considérant la dureté du sort envers lui. Il est vraiment trop fort de n’avoir qu’un cheval de chasse poussif à monter, tandis que des gens, qui n’ont pas la moitié autant de