Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/206

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paroles signifiaient plus de choses pour elle que les regards et les paroles des autres hommes, parce qu’elle y tenait davantage ; elle y pensait assidûment ; assidûment aussi elle visait à atteindre à cette perfection de maintien, de conduite, de sentiments et de toutes les autres élégances qui trouvaient dans Lydgate un admirateur plus digne qu’elle n’avait jamais osé en espérer. Car Rosemonde, bien qu’elle ne voulût jamais rien faire qui lui fût désagréable, était ingénieuse, et maintenant plus que jamais elle se montra zélée à esquisser ses paysages, les portraits de ses amies, à étudier sa musique et à être, du matin au soir, son propre idéal d’une lady accomplie, ayant toujours dans sa conscience un auditoire imaginaire, auquel s’ajoutait parfois un auditoire extérieur plus varié et bien venu sous la forme des nombreux visiteurs de la maison. Elle trouva le temps de lire les meilleurs romans et même ceux de second ordre ; déjà elle savait un grand nombre de poésies par cœur : Lalla Rookh ! était son poème favori.

« C’est la meilleure fille du monde ! Celui qui l’épousera sera un heureux mortel ! » Tel était le sentiment des hommes âgés qui allaient chez les Vincy et les jeunes gens refusés par elle songeaient à tenter encore une fois l’épreuve, comme c’est la mode dans les villes de province où l’horizon n’apparaît pas encombré de rivaux. Mais mistress Plymdale trouvait que l’éducation de Rosemonde avait été poussée jusqu’à un point ridicule ; quelle était en effet l’utilité de tous ces talents d’agrément qui seraient mis de côté aussitôt après le mariage ? La tante Bulstrode, qui était restée fraternellement attachée à la famille de son frère, formait, quant à elle, deux souhaits sincères pour Rosemonde : d’abord de lui voir prendre une tournure d’esprit plus sérieuse, et ensuite qu’elle pût trouver un mari dont la fortune répondît à ses besoins.