Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/237

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excès de désespoir était la faute de sa pauvreté d’esprit. Elle avait épousé l’homme de son choix ; elle avait, sur la plupart des jeunes filles, l’avantage d’avoir surtout envisagé dans le mariage le commencement de devoirs nouveaux ; du premier jour, elle avait vu dans M. Casaubon un esprit tellement supérieur au sien, qu’elle s’attendait bien à ce qu’il fût souvent réclamé par des travaux auxquels elle ne pourrait prendre part ; aujourd’hui, après l’expérience bornée de sa vie de jeune fille, elle avait le bonheur de voir Rome, la cité de l’histoire visible et réelle, où le passé de toute une moitié du monde semble se mouvoir comme une procession funèbre, avec d’étranges images de l’antiquité et de merveilleux trophées.

Mais cette prodigieuse diversité de débris augmentait l’étrangeté du commencement de sa vie de femme et en faisait comme un rêve. Dorothée venait de passer cinq semaines à Rome, et par d’agréables matinées où l’automne et l’hiver semblaient se donner la main, comme un vieux couple heureux, dont un des membres va bientôt survivre à l’autre, dans une solitude glaciale, elle avait parcouru la ville en voiture, d’abord avec M. Casaubon, et dans les derniers temps, surtout avec Tartripp et leur excellent courrier. On l’avait menée dans les plus belles galeries, au points de vue les plus célèbres, on lui avait montré les ruines les plus grandioses, les églises les plus glorieuses ; et elle avait fini par préférer à tout le reste une promenade dans la campagne, là où elle pouvait se sentir seule avec la terre et le ciel, loin de l’écrasante mascarade des siècles passés, qui semblait parfois jeter sur sa propre vie un masque également énigmatique.

Pour ceux qui ont apporté à l’étude de Rome les ressources d’une science qui aspire comme une âme nouvelle dans toutes les révélations historiques, retraçant les transitions invisibles qui unissent tous les contrastes, pour ceux-