Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/245

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féminine et affectueuse, tout en lui marquant par sa manière polie de lui avancer un siège, combien il trouvait d’enfantillage et d’exagération dans ces manifestations. Quand il s’était acquitté le matin, avec tout le soin convenable, de sa toilette de ministre, il pouvait être préparé pour ces petites aménités de la vie correspondant à un esprit chargé de matière inédite, et dont la raide cravate empesée de l’époque était l’image, mais pas pour d’autres. Et par un triste contraste, les idées et les résolutions de Dorothée semblaient une glace fondante, perdue et flottante dans un courant chaud dont elles n’avaient été qu’une première forme. Incapable de rien apprendre autrement que par le cœur, elle était humiliée de se sentir victime du sentiment. Toute sa force se perdait en accès d’agitations, de luttes, de désespoir ; puis de nouveau lui revenaient ces visions d’une vie de renoncement, transformant en devoir toutes les dures conditions de l’existence.

Pauvre Dorothée ! Dans cet état, elle était certainement importune à elle-même ; mais, ce jour-là, pour la première fois, elle devint importune à M. Casaubon. Elle s’était mise à table pour déjeuner avec la ferme résolution de secouer ce qu’elle appelait intérieurement son égoïsme, et elle tourna vers son mari un visage rempli d’animation et d’intérêt, quand il lui dit : « Il faut, ma chère Dorothée, comme à des préliminaires de départ, songer maintenant à tout ce que nous n’avons pas encore fait ici. Je serais volontiers revenu plus tôt en Angleterre, afin d’être à Lowick pour le moment de Noël ; mais mes recherches se sont forcément prolongées au delà de mes prévisions. Je crois cependant que notre séjour ne s’est pas écoulé pour vous d’une manière désagréable. Parmi toutes les curiosités de l’Europe, Rome a toujours compté dans les plus saisissantes et même les plus édifiantes sons certains rapports. Je me souviens toujours que je considérai comme une époque dans ma vie, celle