Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/246

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où je la visitai pour la première fois ; c’était après la chute de Napoléon, événement qui rouvrait le continent aux voyageurs. En vérité, je crois que c’est une des villes auxquelles on a appliqué cette hyperbole emphatique : « Voir Rome et puis mourir. » Mais, pour vous, je proposerais une légère altération au texte et je dirais : « Voir Rome en nouvelle mariée et vivre désormais en femme heureuse. »

M. Casaubon prononça ce petit discours avec la plus consciencieuse intention de remplir son devoir, clignant de l’œil, balançant la tête et concluant par un sourire. Il n’avait pas trouvé que l’état de mariage fût précisément un délice, mais il n’avait pas d’autre pensée que d’être un mari irréprochable, et de rendre sa charmante jeune femme aussi heureuse qu’elle méritait de l’être.

— Vous êtes, je l’espère aussi, pleinement satisfait de notre séjour, je veux dire de son résultat pour vos études, dit Dorothée, essayant de fixer son esprit sur le sujet qui intéressait le plus son mari.

— Oui, dit M. Casaubon avec cette intonation particulière de la voix qui fait de ce mot une demi-négation. J’ai été entraîné plus loin que je ne le pensais ; plusieurs points utiles à noter se sont présentés, et sans en avoir directement besoin, je ne pouvais cependant les omettre. Cette tâche, malgré l’assistance d’un secrétaire, a été tant soit peu laborieuse, mais votre société m’a heureusement préservé de cette préoccupation d’idées trop continue qui me poursuivait en dehors de mes heures de travail, et qui a été la plaie de ma vie solitaire.

— Je suis bien aise que ma présence ait apporté quelque différence pour vous, dit Dorothée qui se rappelait distinctement certaines soirées où il lui avait semblé que l’esprit de M. Casaubon avait dû descendre dans la journée à de trop grandes profondeurs pour pouvoir remonter ensuite à l’air libre. J’espère, lorsque nous serons à Lowick, pouvoir vous