Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/271

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vous connaissez-vous en camées et pourrez-vous me dire si ceux-ci sont vraiment beaux. Je désirais que vous vinssiez les choisir avec nous, mais M. Casaubon n’a pas voulu, il pensait que nous n’en aurions pas le temps. Il finira son travail demain, et nous partons dans trois jours. J’étais embarrassée pour ces camées. Voulez-vous vous asseoir et les regarder.

— Je ne suis pas trop connaisseur, mais vous n’avez pu commettre une bien grave erreur dans le choix de ces petits bibelots homériques. Ils sont très purs, et la couleur en est jolie ; ils vous siéront parfaitement.

— Oh ! ils sont destinés à ma sœur, qui a un tout autre teint que moi. Vous l’avez vue avec moi à Lowick ; elle est blonde et très jolie, à mon avis, du moins. Nous n’avons jamais été aussi longtemps séparées. C’est une enfant gâtée et elle n’a jamais eu un moment de méchanceté dans sa vie. J’ai vu avant de partir qu’elle avait envie de quelques camées et je serais fâchée qu’ils ne fussent pas beaux — dans leur genre, ajouta-t-elle avec un sourire.

— Vous n’avez pas l’air de vous soucier de ces bijoux pour vous-même, dit Will en s’asseyant à quelques pas d’elle et en l’observant pendant qu’elle refermait les écrins.

— Non, franchement, je ne les considère pas comme un objet précieux dans la vie.

— Je crains que vous ne soyez une hérétique pour tout ce qui se rapporte à l’art. Comment cela se fait-il ? Je vous aurais crue très sensible au beau, en toutes choses.

— Je suis, je crois, stupide en beaucoup de choses, dit Dorothée simplement. Je voudrais rendre la vie belle et agréable, la vie de tous, bien entendu. Et alors, comment ne pas s’affliger de voir cette si grande dépense d’art qui semble comme en dehors de la vie réelle, et qui ne contribue pas à rendre le monde plus heureux. Le plaisir que je prends à la moindre chose est gâté pour moi quand je pense que tant de gens en sont exclus.