Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/278

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— Vous êtes un poème, et c’est là ce qui doit faire la meilleure partie d’un poète, ce qui lui révèle son génie poétique dans ses plus beaux moments, dit Will, déployant cette originalité de la jeunesse que tous nous partageons à notre tour avec le matin, avec le printemps ou avec tout autre renouvellement de la nature éternelle.

— Je suis heureuse de le savoir, dit Dorothée avec un rire qui ressemblait à la modulation d’un chant d’oiseau, et regardant Will avec une émotion enjouée dans les yeux. Que de choses aimables vous me dites !

— Je voudrais pouvoir faire pour vous n’importe quoi, qu’il vous plût d’appeler aimable. Que j’aimerais à pouvoir vous rendre, une fois, le plus mince service ! Et je crains de ne jamais en trouver l’occasion.

Will parlait avec ferveur.

— Oh ! si, dit Dorothée cordialement ; cela viendra et je me rappellerai combien vous le désirez. J’espérais tout à fait que nous deviendrions amis la première fois que je vous ai vu ; — à cause de votre parenté avec M. Casaubon.

Il y avait dans les yeux de Dorothée, tandis qu’elle parlait, un certain éclat humide, et Will sentit que les siens aussi obéissaient à une loi de nature et se remplissaient de larmes. L’allusion faite à M. Casaubon eût tout gâté si, à cet instant, quelque chose avait pu gâter la puissance souveraine, la dignité de cette inexpérience si noble et si confiante.

— Et il y a en ce moment même une chose que vous pouvez faire pour moi, reprit Dorothée se levant et faisant quelques pas, poussée encore une fois par une impulsion soudaine. Promettez-moi de ne jamais parler de cela à personne, des travaux de M. Casaubon, je veut dire, jamais plus de la façon dont vous l’avez fait avec moi. C’est moi qui vous y ai poussé, c’est ma faute. Mais promettez-le-moi.

Et, achevant sa course rapide à travers la chambre, elle