Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/324

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d’almanachs. Il était impatienté de cette folle attente de miracles que l’on fonde toujours sur un débutant et avec laquelle il faut marcher et faire son chemin ; par sa franchise professionnelle, Lydgate était homme à se faire autant de tort que Wrench pouvait le souhaiter.

Lydgate, pourtant, entra comme médecin chez les Vincy, et cet événement devint un sujet général de conversation à Middlemarch. D’après les uns, les Vincy s’étaient conduits d’une façon scandaleuse, M. Vincy avait menacé Wrench et mistress Vincy l’avait accusé d’empoisonner son fils. D’autres étaient d’avis que la réussite de Lydgate était providentielle, qu’il était merveilleusement habile à guérir les fièvres, et que Bulstrode avait raison de le pousser. Pour beaucoup même, c’était Bulstrode qui avait fait venir Lydgate dans la ville : une certaine mistress Taft, qui était toujours occupée à compter des points et des mailles et recueillait toutes ses informations par bribes attrapées entre deux rangs de tricot, s’était mis dans la tête que M. Lydgate était un fils naturel de Bulstrode, ce qui semblait justifier tous ses soupçons sur les gens du monde évangélique.

Elle communiqua un jour cette lumineuse idée à mistress Farebrother, qui ne manqua pas d’en avertir son fils en ajoutant :

— Rien ne m’étonnerait de la part de Bulstrode : mais j’en serais fâchée pour M. Lydgate.

— Comment, ma mère, s’écria le vicaire en éclatant de rire, vous savez fort bien que M. Lydgate appartient à une bonne famille du nord de l’Angleterre. Il n’avait jamais entendu parler de Bulstrode avant de venir ici.

— Bien, pour ce qui concerne M. Lydgate, Camden, dit la vieille dame avec sa précision ordinaire. Mais, quant à Bulstrode, le bruit pourrait être vrai et se rapporter seulement à quelque autre fils…