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CHAPITRE V


Rosemonde avait pour sa personne une Providence spéciale qui s’était complue à la faire plus charmante que d’autres, et qui semblait avoir combiné à son profit la maladie de Fred et la maladresse de M. Wrench, en vue d’amener entre elle et Lydgate un heureux rapprochement. Si Rosemonde avait consenti à s’en aller à Stone-Court ou ailleurs comme ses parents le désiraient, c’eût été contrevenir à ces arrangements providentiels, d’autant plus que M. Lydgate avait déclaré la précaution inutile. Aussi, tandis que l’on expédiait miss Morgan et les plus jeunes enfants à la campagne, Rosemonde refusa de quitter son père et sa mère. Sa pauvre maman était dans un état à faire pitié ; et M. Vincy, qui adorait sa femme, était plus alarmé pour elle que pour son fils ; il fallait les instances réitérées de son mari pour lui faire prendre un peu de repos, son joyeux éclat avait disparu, sans souci de sa toilette qui avait toujours été si fraîche et si gaie, elle ressemblait à un oiseau malade aux yeux languissants et au plumage hérissé. Le délire de Fred, quand il semblait errer dans des régions où elle ne pouvait le suivre, lui brisait le cœur. Après sa première explosion contre M. Wrench, elle se montra plus calme, l’unique cri muet de son cœur s’adressait à Lydgate. Elle le suivait parfois hors de la chambre et, lui prenant le bras, le suppliait en gémissant de sauver son fils.

— Il a toujours été bon pour moi, monsieur Lydgate, lui dit-elle un jour, il n’a jamais eu une parole dure pour sa mère.

Les fibres les plus profondes de sa mémoire de mère