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ser à mistress Casaubon. Elle est assez intelligente pour tout comprendre, ma nièce. Dites-lui que son mari a besoin de gaieté et de distractions. Suggérez-lui des moyens de l’amuser.

Sans prendre l’avis de M. Brooke, Lydgate était déjà décidé à parler à Dorothée. Elle n’avait pas entendu son oncle formuler à bâtons rompus ses agréables conseils sur les nouvelles distractions à introduire à Lowick. Elle était, d’ailleurs, presque toujours auprès de son mari et les marques sincères de vive inquiétude, qu’amenait sur son visage et dans sa voix tout ce qui touchait le moral et la santé de M. Casaubon, constituaient un drame que Lydgate allait suivre avec intérêt. Il pensait bien qu’il ne faisait que son devoir en disant la vérité à Dorothée sur l’avenir probable de son mari ; mais il pensait aussi qu’il serait intéressant de causer confidentiellement avec elle. Un médecin, par le fait de ses études et de ses observations psychologiques, est trop facilement amené à faire de ces solennelles prophéties que la vie et la mort se chargent de confondre. Lydgate avait souvent exercé sa critique sur ces prédictions gratuites et il était résolu à s’en bien garder.

Au moment où il demandait à voir mistress Casaubon, qui était allée se promener, elle apparut avec Célia, le visage encore brillant de la lutte contre le vent de mars. Dorothée le fit entrer dans la bibliothèque, uniquement préoccupée de ce qu’il pouvait avoir à lui dire de son mari. C’était la première fois qu’elle pénétrait dans cette pièce depuis la maladie de M. Casaubon, et les domestiques n’en avaient pas ouvert les volets.

— Cette obscurité ne vous est pas désagréable ? dit Dorothée s’arrêtant debout au milieu de la chambre. Depuis que vous avez interdit les livres, la bibliothèque a été abandonnée. Mais j’espère que M. Casaubon y reviendra bientôt. N’est-ce pas que vous le trouvez mieux ?