Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/372

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son bureau ou laisser quelques lignes à sa porte. Ces simples moyens ne lui vinrent pas apparemment à l’esprit, d’où nous pouvons conclure qu’il n’avait pas une forte répugnance à se présenter chez M. Vincy à une heure où celui-ci n’était pas chez lui, et à s’acquitter de sa commission auprès de sa fille. Un homme peut sans doute, pour plus d’un motif, priver les autres de sa compagnie, mais le plus sage lui-même ne serait peut-être pas flatté de n’être regretté de personne. Ce serait une manière toute trouvée de substituer élégamment de nouvelles habitudes aux anciennes, que d’échanger avec Rosemonde quelques propos légers sur son renoncement à la dissipation, sur sa ferme résolution de s’imposer de longs jeûnes, sevrés de tous accents mélodieux. Les réflexions du premier moment sur les causes qui avaient pu amener les allusions de M. Bulstrode s’étaient peu à peu perdues, il faut l’avouer aussi, comme un fin réseau de cheveux emmêlés, dans le tissu plus substantiel de ses pensées.

Miss Vincy était seule ; elle rougit si fort, en voyant entrer Lydgate, qu’il éprouva un embarras correspondant, et qu’au lieu d’entamer avec elle la conversation sur un ton badin, il lui parla aussitôt du motif qui l’amenait, et la pria, d’un air cérémonieux, de vouloir bien transmettre le message à son père. Rosemonde dont la première impression avait été que son bonheur lui revenait, fut amèrement froissée des manières de Lydgate ; sa rougeur avait disparu ; elle se chargea froidement de la commission, sans ajouter une parole inutile et sans quitter des mains un petit ouvrage au crochet qui lui permettait de ne pas regarder Lydgate plus haut que le menton. Dans toutes les fautes, le commencement est certainement la moitié du tout. Après être resté assis un long moment à jouer avec sa cravache, sans savoir que dire, Lydgate se leva pour partir ; et Rosemonde, toute nerveuse de la lutte que se livraient en elle la mortification et